Un futur à changer
L’été battait son plein. Tandis que les cigales chantaient bruyamment, Enith trimballait péniblement son énorme valise en cuir brun. De splendides tulipes cummins oscillaient dans le vent. Un liseré blanc épineux bordait les pétales mauves, semblable à de la dentelle fine. C’était, sans nul doute possible, la plus belle fleur qu’Enith ait admirée de toute sa vie… Et elles poussaient à perte de vue, se mélangeant à d’autres fleurs dont elle ignorait tout.
La jeune fille ramena sa main sur son large chapeau de paille pour éviter qu’il s’envole. Alors c’était ça, Almach’ Sabrelune ? Des fleurs par milliers, des Magiciens de toutes parts, et du personnel en surnombre qui s’activait en continu. Elle reconnut les Mages de la Tortue Émeraude grâce à l’Écusson épinglé sur leur veston. Ils géraient les jardins d’une main de maître, tous très appliqués dans leur art.
Un grand lac abritait des poissons aux nageoires iridescentes. Enith s’y arrêta pour reprendre son souffle. Dans sa robe vert-pastel à manches courtes, elle souffrait néanmoins de la chaleur accablante. Les rubans émeraude de son chapeau glissaient dans le courant tiède. Ses boucles rousses arrivaient au milieu de son dos. C’était une jolie fille, originaire de Dedlepum. Il faisait meilleur là-bas…
Enith avait effectué ce long voyage pour intégrer la Maison de la Mante Lilas. Bien sûr, les inscriptions n’étaient pas encore ouvertes. Mais, comme beaucoup d’autres Aspirants, elle tâtait le terrain. L’Académie n’était pas aussi stricte qu’elle l’imaginait. Le personnel se montrait très affable de ce qu’elle pouvait en voir d’ici. Et il y avait tellement de gens différents, venus des quatre coins du monde… Ça donnait le vertige !
Des papillons butinaient des fleurs jaunes dont elle ignorait le nom. Le ciel était clair, presque sans nuages. Quantité de gens allaient et venaient, dans un joyeux tumulte. Rassérénée, la jeune fille se remit en marche. Évidemment, elle avait conscience que seuls les 10 meilleurs Aspirants rentreraient en première année… Et il fallait débourser une coquette somme de surcroît…
Enith leva la tête, émerveillée par les hautes tours, luisantes sous le soleil estival. La Mante Lilas se dressait, son toit mauve lui promettant un brillant avenir…
Les futurs élèves avaient le droit de rester 3 jours sur place, pour visiter, rencontrer les Professeurs, se faire une idée de la Maison qui leur correspondait. Plusieurs trains desservaient l’Académie, avec des arrêts réguliers un peu partout, sauf à l’extrême nord où la neige ne fondait pas, même en été. Des bêtes féroces séjournaient dans cet immense cul-de-sac glacé…
Enith croisa un individu en costume, aux yeux vairons, qui mâchait… des cacahuètes ? Il la considéra de pied en cape avant de l’accueillir d’une voix sèche.
– Bonjour, bienvenue dans notre Académie.
– Merci, mais je ne fais que visiter. Je n’ai pas encore rencontré Agaria.
– Si vous avez un quelconque talent de divination, vous devriez connaître l’issue de cet entretien…
Soufflée, Enith le dévisagea, la bouche ouverte. Elle ne s’attendait pas à une remarque si cinglante.
– Je ne suis pas une Magicienne confirmée… J’ai un don, mais je dois le travailler…
– Et vous pensez avoir votre place avec un don que vous ne savez pas exploiter par vous-même ? Nous n’acceptons que l’élite. Et il serait temps de modifier le règlement… Ces journées portes ouvertes sont ridicules…
Cet homme était détestable… Une Académie de Magie servait à enseigner cet art, par essence. Nul ne pouvait détenir la science infuse à la naissance. Enith s’enquit :
– Vous enseignez ici ?...
– Moi ? Pensez-vous que j’ai du temps à perdre avec des individus qui viennent ici pour redorer leur blason, sans mériter leur place ? Non, je suis Alberus Escarboucle, l’Intendant de Nerus. Je gère la paperasse. Il y a beaucoup trop d’élèves d’ailleurs…
– Je vois… Bon courage…
Il lui décocha un sourire carnassier.
– C’est ça ! Il y a un train à 16h13 en direction de Dedlepum !
Enith frissonna. Possédait-il un talent de divination lui aussi ?... Terrifiant… Elle se rendit à l’accueil sur sa droite, qui présentait des brochures avec un plan des lieux. Une femme au chignon rehaussé de perles la salua.
– Bonjour Mademoiselle ! Avez-vous besoin d’aide ?
– Oui… Je cherche le chemin pour atteindre la Tour de la Mante Lilas.
– Oh, mais c’est très simple ! En franchissant ces portes, vous verrez un vitrail sur le sol. Regardez bien les couleurs, elles redirigent les visiteurs dans la Maison appropriée.
– Oh, d’accord, merci !
Enith fit quelques pas, la standardiste formula :
– Attendez, c’est pour visiter ou pour un entretien ?
– J’aimerais voir Agaria.
– Ah, elle se trouve dans son bureau secondaire !
– Bureau secondaire ?
– Eh bien, oui, tous les Professeurs sont au rez-de-chaussée. On ne va pas faire cavaler les Aspirants, tout de même !
La dame qui respirait l’optimisme rit franchement. Enith sourit en retour.
– C’est gentil d’y avoir pensé.
– Nerus est tellement prévenant !
– J’avoue que je ne sais même pas à quoi il ressemble…
La standardiste fronça légèrement les sourcils.
– Eh bien, moi non plus à vrai dire… Nerus a choisi de conserver l’anonymat. C’est Alberus qui dirige l’école en son nom, mais avec son aval, évidemment ! Alberus est incapable d’imposer de nouvelles lois sans en référer au Directeur lui-même !
Enith avait un mauvais pressentiment, sans parvenir à l’identifier. Mal à l’aise, elle reprit le sujet d’origine.
– Et donc, où puis-je trouver le bureau d’Agaria ?
La dame tendit son stylo.
– Vous longez à droite, suivez ce couloir.
– Merci.
Très simple en fait… Les tapis colorés informaient d’office quels Professeurs présidaient en ces lieux.
Enith souleva à deux mains son énorme bagage. Peut-être qu’elle n’aurait pas dû emporter tant d’affaires. Après tout, elle ne restait que quelques jours, c’était idiot…
Le tapis calfeutra le bruit de ses bottines. Encore un mauvais choix. Elle s’était imaginé que le climat serait plus frais avec les sommets enneigés à l’horizon. Eh bien non…
Perdue dans ses pensées, Enith heurta quelqu’un abruptement.
– Oh, pardon ! Je ne vous avais pas vue !
– Non, c’est moi…
Cette femme dégageait quelque chose de très déconcertant avec son œil gauche complètement blanc. Une mantille noire retenait son chignon. Elle portait une robe imposante, mais surtout luxueuse qui laissait penser qu’elle ne manquait pas de ressources. Une noble ? Enith ressentit quelque chose d’étrange à son contact, plus encore que lors de son altercation avec Alberus…
La dame s’épousseta.
– Je dois y aller…
– Vous enseignez ici ?
Elle parut surprise par sa question.
– Oh, non… Mais c’est très beau de transmettre un savoir, à condition qu’il ne serve pas à de mauvaises fins…
– Comment la Magie pourrait servir à de mauvaises fins ?
La dame distinguée coula un regard de côté.
– Vous savez, l’humanité ne change guère avec le temps… Vous l’apprendrez sans doute à vos dépens…
Elle exécuta une brève révérence et se retira. Enith était sous le charme, quelle droiture, quelle maturité… Un peu amère toutefois. Cette femme ne croyait donc plus au genre humain. Sans doute avait-elle essuyé trop de déboires. Pour autant, il n’y avait pas que des gens mauvais, Enith en demeurait convaincue.
La jeune Magicienne avança encore un peu, puis trouva deux hommes dans le couloir. Le premier avait les cheveux en forme de bigoudis gris. Un monocle renforçait son port altier. Enith identifia l’Écusson du Cerf Automnal sur sa robe. Son interlocuteur était un homme à la peau ébène. Une pupille verticale fendait ses prunelles dorées.
L’homme guindé le salua chaleureusement.
– Quel plaisir de vous rencontrer enfin ! Vous êtes le fils de l’illustre Jean-Barnabé Delafonk, n’est-ce pas ? L’homme qui a unifié les peuplades de Gwarana ?
– Oui, tout à fait. J’ai appris qu’il y avait une place de libre dans cette Académie. Je pense pouvoir apporter un savoir utile.
– C’est formidable ! Je m’appelle Hubert Helbman, je suis le Professeur du Cerf Automnal ! Très heureux de vous savoir parmi nous !
Ils se serrèrent la main.
– Plaisir partagé.
Helbman désigna une porte.
– Voici le Bureau du Chat Noir. Enfin, provisoirement, bien entendu ! C’est ici que vous pourrez discuter avec les Aspirants.
– Donc, si je comprends bien, je dois rester dans ce bureau et attendre que des élèves viennent me voir ?
– C’est à peu près ça.
– Mais, et si personne ne vient ?
– Eh bien… Je pense que vos hauts faits inciteront de nombreux élèves à se présenter !
Jean-Baptiste rit.
– Pour ça, il faudrait qu’ils sachent que je suis là !
– Vous n’avez pas tort…
– On va faire un truc.
Jean-Baptiste sortit un stylo ensorcelé et nota : « Je pars me promener. Je reviendrai vers 16h. » L’écriture noire flottait désormais sur sa porte. Helbman faillit en perdre son monocle.
– Mais… Ce n’est pas l’usage…
Le Mage Noir posa une main sur l’épaule de son nouvel ami.
– Tu imagines le temps que je perdrais si personne ne venait ? – il remarqua enfin Enith – Bonjour toi. Tu es nouvelle ?
– Oui, je viens pour rencontrer Agaria.
– Qui c’est ça ?
– Le Professeur de la Mante Lilas. Vous ne connaissez pas les Mages qui exercent ici ?
– Non, pas vraiment. Je ne m’intéresse pas aux dernières tendances, tout ça. Le temps passe trop vite. Je m’aperçois qu’on change d’époque en un battement de cils. Je suis retourné dans un pays que j’ai visité il y a un siècle, il est complètement différent maintenant…
Quel âge pouvait-il bien avoir ? Il paraissait jeune en tout cas. Enith avait conscience que tout changeait très vite, mais pas qu’en bien, malheureusement…
– Je vous crois sur parole. Le monde change tellement…
Helbman s’approcha d’Enith, le dos bien droit.
– Bonjour, jeune fille. Vous disiez chercher le Professeur Algelade. La répartition des enseignants est hiérarchisée en harmonie avec les mois de l’année, nos Maisons les incarnent avec beaucoup de fierté et respect. Ainsi, le bureau de la Mante Lilas se situe juste après celui du Professeur Delafonk.
– Oh, parfait, merci ! – voyant qu’Hubert s’apprêtait à sermonner Jean-Baptiste concernant son manque de savoir-vivre, Enith précisa – Personne ne viendra le voir cet après-midi. Par contre, dans quelques mois, quand tout le monde saura qu’il enseigne ici, beaucoup de candidats se presseront à sa porte.
La moustache de l’Alchimiste rebiqua dans un sourire.
– Quel don fort pratique ! J’aimerais tellement que notre Académie continue d’en profiter…
Enith s’assombrit. Jean-Baptiste demanda innocemment :
– Pourquoi ce ne serait plus le cas ?
– Eh bien, Nerus choisit les Maisons qui siègent ici. Il y a déjà eu plusieurs roulements et il se murmure que la Mante Lilas sera évincée prochainement…
– Évincée ? Pourquoi ?
– La clairvoyance d’Agaria est considérée comme un don mineur d’après ce que j’ai compris. Pour ma part, je crois que chaque Maison a son propre talent, apte à enrichir de nombreux Mages.
– Évidemment ! Même le sort le plus ridicule reste une forme de Magie à part entière ! – Jean-Baptiste tapota Enith – Bon écoute, si ta Maison fait ses valises, viens chez moi, on rigolera bien !
Enith ébaucha un sourire contrit.
– D’accord…
Elle n’arrivait pas à le lire véritablement. C’était valable pour les ¾ des gens qu’elle croisait ici… Son pouvoir n’était pas assez fort… Mais tout allait bientôt changer.
La jeune Magicienne prit congé et marcha jusqu’à la lourde porte mauve rehaussée de poignées dorées. Elle frappa timidement. Une voix mélodieuse lui répondit.
– Entrez.
Enith inspira, poussa la porte. C’était un joli bureau, assez grand. Une bibliothèque embronchait les livres de manière ordonnée. Elle fleurait bon le cuir ainsi que la menthe poivrée, sans doute pour éloigner les nuisibles. D’immenses fenêtres dispensaient une vive lumière, sans jamais atteindre la bibliothèque.
Dans son fauteuil à haut dossier, une femme attendait. Un bandeau de soie mauve couvrait ses yeux. Une partie de ses cheveux était relevée en macarons pointus sur le sommet de sa tête. L’œil, emblème des visionnaires, ceignait sa taille svelte ainsi que le dessous de sa gorge, sous forme de sautoir. Agaria Algelade… Dirigeante de la Mante Lilas… Elle était là… Pour de vrai… Enith rougit, émue.
– B-bonjour, Madame…
– Bonjour, jeune visionnaire.
– Ah, euh, oui…
Enith se demanda de quelle couleur étaient ses yeux, sous son bandeau. Mais aussi ce qu’elle pouvait bien ressentir. Car cette noble dame conservait une expression impassible, de fait, elle interprétait ses émotions à grand-peine.
Agaria demeurait parfaitement immobile.
– Je vais te poser une question, une seule. Elle déterminera l’issue de ta visite.
– Ah, déjà ?...
– En effet. J’exige de toi la plus grande honnêteté. Qu’as-tu vu dans l’avenir ?
Enith hésita.
– Si… Si je vous le dis… Vous me renverrez sûrement…
– Pourquoi ?
– Car vous n’apprécierez pas du tout…
– Je te le demande, sois honnête.
Enith l’observa, les yeux brillants, la bouche entrouverte. Elle n’avait pas fait tout ce chemin pour rien… Certes, elle risquait de la froisser… Mais tant pis.
– B-bon… D’accord… Alors voilà… Le futur s’annonce très sombre…
Agaria caressa la bague imposante à son index.
– Sois plus précise.
– Bien… La Maison de la Mante Lilas ne fera plus partie des 12… Et ensuite… Une guerre frappera le monde. Une guerre très étendue. Elle causera des milliers de morts. Peut-être même plus…
Agaria leva le menton, captivée.
– Oui… Tu dis vrai…
– Alors, je peux rester ici ?...
– Bien sûr. Tu as le don nécessaire et tu as eu la franchise de me dire en face que ma Maison serait détruite…
– Je suis désolée…
Agaria ébaucha un sourire très léger, à peine perceptible.
– Et malgré tout, tu es venue… En dépit de ce qui t’attend…
– En fait, j’aimerais changer le Destin.
– On peut changer les petites lignes, mais jamais les grandes.
– Je sais, mais avec un pouvoir suffisant…
Les épaules d’Agaria se redressèrent, elle partit d’un petit rire.
– Et tu penses pouvoir acquérir le pouvoir nécessaire pour modifier l’ordre établi ?
– J’aimerais essayer…
Agaria se leva et s’immergea dans les fins rayons du petit jour. L’éclat chaleureux irisait ses cheveux de soie des plus belles nuances orageuses.
– Tu es honnête mais vaniteuse en ce cas. Je n’ai vu aucune issue heureuse. La Grande Guerre aura lieu. Notre règne connaîtra son apogée, et c’est ce pouvoir faramineux qui causera notre perte.
Enith ne comprenait pas ce qu’elle lui expliquait.
– Pardon, mais… Si notre règne arrive à son apogée, pourquoi chuterions-nous ?
– Parce que trop de pouvoir instille l’orgueil. Alors, le déclin frappe.
– Je ne comprends pas… Chaque Mage se parfait des années durant pour devenir meilleur.
– Certes, en apparence il est vrai. Mais combien se détournent du droit chemin ?
– Vous parlez de l’Ordre de Santrax ?
– Oui, entre autres. Ils ont gangrené plusieurs continents, empoisonnant la raison de gens qui auraient sans doute mené une vie très différente sans leur intervention…
– Mais, cette guilde compte peu de membres… Les Mages sont nobles, avec des idéaux…
Agaria ricana cette fois, tout en caressant une boîte à bijou en argent qui étincelait dans la lumière.
– Je crois que peu importe l’époque, tout être vivant tentera d’asseoir sa domination. De surcroît s’il est Humain.
Enith supposa prudemment :
– Mais vous ne l’êtes pas…
– Je le suis partiellement. Humains et Fées se sont mélangés à Liselande. Et nous sommes nés, nous, les Clairvoyants. La moitié d’entre nous a préféré partir plutôt que d’assister à la fin de notre histoire. Car nous serons si peu à survivre, en vérité…
– Il faut que cela change…
La chevelure mauve d’Agaria, qui atteignait ses chevilles, oscilla dans son sillage. Elle marcha à pas lents jusqu’à sa disciple.
– Un désir très fort peut certes influencer l’avenir, mais cela ne suffit guère.
– J’en ai conscience et peut-être que je perds mon temps. Mais je refuse que votre Maison… Enfin, notre Maison, tombe en désuétude.
Un sourire diaphane fleurit enfin sur les lèvres rosées de la belle dame.
– Tu es chez toi. En fait, tu l’étais déjà bien avant d’arriver ici. Ton cœur et ton âme sont à Almach’ Sabrelune. – elle s’assombrit – Toutefois, tu mourras sans doute avant d’accomplir ta mission…
– Oui, je l’ai vu aussi… Mais je veux y croire malgré tout… Si je n’essaie pas, alors à quoi bon ?...
Agaria souleva le menton de la jeune fille du bout de ses ongles effilés.
– Très bien… Tu connais ton sort et tu es prête à le braver pour faire ployer le Destin. J’aime ton courage même s’il relève de la folie… – des éclats colorés fusèrent tout autour d’elle, quelques fées voletèrent dans un ballet gracieux – Je t’accepte dans ma Maison. Sois la bienvenue, Enith Herbelune, sang-mêlé aux grands pouvoirs…
Les larmes montèrent aux yeux d’Enith. Devant tant de beauté, tant d’émerveillement, mais plus encore ; la concrétisation de son vœu le plus cher : rejoindre la Maison de la Mante Lilas… Au fond d’elle, elle savait qu’il ne pouvait en être autrement, mais le vivre pour de vrai, c’était si différent…
Elle pleura pour de bon tandis que les petites Fées dansaient autour de leur Matriarche, leurs ailes iridescentes capturant la lumière du matin. Enith s’essuya les yeux avec son bras, très émue.
– Merci… Merci, Madame…
– Agaria. Nous sommes déjà proches, sans même nous connaître. Car nous avons vécu ce qui n’est pas encore advenu.
– C’est vrai… Merci, Agaria… Du fond du cœur…
La dame hocha la tête et retourna à son bureau.
– Tiens. Voici ton dossier d’admission. J’ai besoin de ta signature.
Enith le consulta, prit le stylo à encre magique et son geste se suspendit. Des flashs envahirent son esprit. Pas très clairs. Plutôt des sensations diffuses… Un danger imminent… Elle entraperçut le visage de l’homme aux yeux vairons qui mâchouillait des cacahuètes. Elle comprit qu’il jouerait un grand rôle dans l’avenir… Mais aussi que cette vision, il venait de l’intercepter et de fait, la considérait déjà comme une ennemie…
Le stylo tomba par terre.
– Agaria… L’homme aux yeux vairons…
– Alberus Escarboucle.
– Oui… Il vient de voir par mes yeux…
Agaria ne manifesta aucune surprise.
– Hélas, il a trop de pouvoir… Je ne suis pas la seule à souhaiter son départ, mais Nerus ne partage pas mon sentiment.
– Mais… Il est dangereux…
– Oh oui, il l’est… Et il se dissimule à l’aide d’une Magie qui m’échappe. Son avenir est brouillé, tout ce qui le concerne en fait…
– Il a des choses à cacher…
– Certainement. Nous en avons tous. Mais certains ont conscience de la gravité de leurs actes et préfèrent les masquer.
Enith ramassa le stylo. Alberus ne l’arrêterait pas. Elle avait un but, elle s’y tiendrait coûte que coûte. « Il ne me fait pas peur ! Enfin, si… Mais je tiendrai bon. Je changerai l’avenir. Cette guerre ne se produira pas. Jamais. Jamais… »
FIN
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